Je m’oppose souvent aux associations caritatives, et au don en général, quelle que soit sa forme (don ou bénévolat), en général je n’explique pas pourquoi et les gens simples se fâchent. Parce qu’eux trouvent que donner aux autres, c’est bien utile et qu’il faut être un sacré scélérat pour s’y opposer.
Pas pour eux, mais pour les autres, je vais essayer d’expliquer en regardant les choses froidement, sans syndrome de la larme à l’oeil.
Plouf Plouf, ce sera toi, qui mangeras…
La première chose qui me dérange, c’est le choix qu’on demande de faire au « donneur ». Si je décide de faire don d’une partie de mon salaire ou de mon temps, je vais devoir choisir une ou plusieurs associations. Autrement dit, une ou plusieurs causes. Ce principe même m’est déjà insupportable. Qui sommes-nous pour prendre une telle décision ? Avons-nous les outils ou les informations pour faire un choix judicieux ?
Certainement pas. Le choix se fera donc en fonction de l’affect. Quelqu’un qui a connu un cancéreux sera plus enclin à donner à la Ligue et un homophobe ne donnera pas à Sidaction (ceux-ci considérant, vaguement à raison, que le SIDA touche majoritairement les homosexuels).
On décide donc d’aider en fonction de ses opinions sociales ou de ses expériences de vie. C’est un peu léger quand il s’agit de sauver des vies ou de faire avancer la médecine. Ce choix est d’une violence inouïe, si on y réfléchit froidement, il est totalement inhumain.
Hunger Game
Tout le fonctionnement des associations humanitaires s’est organisé autour de cette notion de choix. L’objectif de chacune d’elles : être choisie. On peut donc tout naturellement admettre que les associations humanitaires sont en compétition.
Cette compétition est profondément malsaine, car elle ne peut pas être assumée. Là où Coca-Cola et Pepsi peuvent gaiement se tirer sur la gueule, les associations doivent rester gentilles, mielleuses et bienveillantes. Ce qui est compliqué dans un contexte de si forte rivalité et qui les pousse à créer des monstres comme le Téléthon.
Le Téléthon est la meilleure illustration de ce vice. Dernière ce cirque infâme se trouve l’AFM, qui ne toucherait pas un centime si les gens étaient pragmatiques, mais qui a un argument de choc pour communiquer : des enfants (et pour causes, les malades représentés ne deviennent en général jamais adultes). Chaque année, nous devons donc subir une terrible opération de com, diffusée durant tout un week-end sur les chaines du service public.
Donner l’argent de l’AFM à d’autres associations équivaudrait à sauver plus de vies. En donnant au Téléthon, on ne sauve pas d’enfants, mais on en condamne, indirectement, d’autres. Merde alors.
Associations de malfaiteurs
La blague ayant assez duré, le simple fait que dans le même pays, deux associations défendent la même cause montre l’absurdité de la situation… Ces organisations ne seraient-elles pas plus efficaces si elles s’associaient ? Si, sans aucun doute. Il faudrait bien sûr dissoudre toutes les organisations actuelles, pestiférées, qui vont parfois jusqu’à gonfler leurs chiffres pour continuer à se donner des raisons d’exister et pour continuer à payer leurs salariés. Ça ne va pas beaucoup plaire à ceux qui s’impliquent dans ce genre de combat pour se donner une raison d’exister, mais qu’importe, j’exècre ces gens-là, je veux bien qu’ils se noient dans leurs larmes de crocodile.
Un don obligatoire et neutre
Si faire preuve de pragmatisme et d’intelligence ne semble pas être l’apanage des amateurs de bonnes oeuvres (regardez les Enfoirés, ça ne transpire pas le cerveau), je pense qu’il faudrait entièrement repenser le système de « solidarité » en rendant le don… obligatoire et neutre.
On pourrait imaginer un impôt, indexé sur le revenu, qui irait directement à un organisme d’État qui répartirait l’argent entre les laboratoires de recherche et les associations de terrain. Cet argent serait distribué équitablement en fonction des besoins, après des enquêtes faites par des professionnels.
Un impôt obligatoire et rien d’autre. Plus de dons, plus de grandes campagnes de sensibilisation utilisant les plus fines techniques marketing pour gratter un chèque. Ce serait beaucoup plus sain que l’actuel rabattement d’impôt qui met encore plus de confusion dans le discours (« Vous pensiez donner 30 euros ? Vous n’allez finalement en donner que 15, alors pourquoi ne pas en donner 60 ?« ) et n’a finalement pas vraiment de sens.
Une telle réforme demanderait certainement un temps de mise en place qui serait néfaste pour un certain nombre de causes, mais au final, nous gagnerions en humanité. Tous.
Car nous ne devrions pas avoir à choisir ceux que nous daignons aider.
Et que la survie de certains ne devrait pas dépendre de l’éventuelle générosité d’autres.
Soyons humains.
33 Comments
Je valide. Je ne trouve pas ça cohérent de payer des impôts ET devoir donner aux associations. Soit tu vis dans un système humain où tes impôts s’occupent des démunis, soit tu vis dans un système de charité, mais faire les deux d’un coup prouve juste que le système en lui même et foiré. :/
Encore un impôt???? Moi j’en paye assez, je paye plus cher la cantine de mes enfants, les stages et activités extra-scolaires, je paye des impôts, des cotisations et autres prélèvements et pour que l’Etat en fasse quoi? Rien! Alors NON!!! Plus d’impôt! Moi j’irais dans le sens inverse, plus d’impôt que chacun fasse et donne à qui il l’entend et tant pis si c’est injuste, la vie est injuste et ce dès la naissance! Et que ceux qui veulent s’en sortir y mettent du leur au lieu de quémander à la société un soutien financier! Marre de l’assistanat qui nous coûte un bras et qui est largement détourné par les failles du système. Moi je donne et cela ne me donne pas bonne conscience, mais si je ne payais pas d’impôt, je donnerais bien plus et je sais à qui!
Ah ouais. Bien dis.
Umm oui, c’est pour la même raison que je ne donne aucun pourboire…
Ah ouais, ben t’inquiète pas t’es loin d’être le seul. Mais peut être que si un jour tu bosse dans la restauration tu changeras d’avis…
Je ne vois pas trop le rapport avec les pourboire. Personnellement j’en laisse toujours un. Mais c’est peut-être parce que j’ai déjà été de l’autre côté du bar ou du plateau.
Le watermark sur les images, c’est nécessaire ? Je trouve ça de plutôt mauvais goût, m’enfin bon.
Je le trouve nécessaire le Watermark. Sinon, j’aurais cru à une vraie campagne et j’aurais vomi. Je suis parfois naïf.
Oui, ça évite la confusion si l’image se retrouve sur Google image.
Je te rejoins sur beaucoup de points… sauf un. L’impôt.
Selon moi, pas besoin de lever un impôt supplémentaire.
En revanche, une petite partie de ce que nous payons déjà devrait servir à ce « don, obligatoire et neutre » que ce soit concernant le financement pur… et le contrôle de ce financement.
C’est à l’Etat de piocher et distribuer pour le bien commun.
C’est à l’Etat – nous en fait, mais nous TOUS – de se montrer humains en tant que groupe, que société.
Honnêtement, je ne suis pas convaincu. Pareil, si on exclut tout sentimentalisme et toute larmichette, la question qui demeure est celle de savoir qui est le mieux placé pour opérer ce type d’allocation et de distribution de revenus à ceux dont on peut considérer qu’ils en ont besoin (qu’ils soient chercheurs, malades, ou personnes en difficultés).
Pour moi, ce n’est pas l’Etat. L’Etat va toujours chercher (c’est son rôle) à servir ce qu’il caractérise comme l’intérêt général. L’intérêt général, jamais nommé comme tel mais motif sous-jacent de l’action publique, est une fiction politique utile, mais dégagée sur le relativement long terme. Notamment parce qu’elle fait l’objet d’une remise en question par l’opposition qui critique les allocations budgétaires, d’une processualisation par les divers organes de fonction publique, etc. C’est normal, c’est même plutôt sain.
Mais les situations sanitaires, sociales, environnementales peuvent être des problèmes de très court terme. Une épidémie, une catastrophe naturelle, par exemple, ne sont pas prévues dans un plan triennal ou dans une loi budgétaire annuelle.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un intérêt n’est pas général qu’il ne mérite pas d’être défendu. Au contraire, la liberté de parole, de pensée, d’action et d’entreprendre implique le droit de défendre des intérêts particuliers, surtout s’ils sont trop restreints pour rentrer dans ce fameux « intérêt général » que l’Etat a vocation à défendre.
Pour moi, l’associatif est donc pleinement dans son rôle en réclamant des fonds, même si le monde associatif est en effet souvent un monde de compétition, de luttes d’egos, de petites guerres de clan, et de toutes les frustrations qu’on peut imaginer. Parce qu’au final, il remplit une fonction que l’Etat serait incapable de mener à sa place. Il ne s’y substitue pas (l’Etat finance déjà et continue de financer la recherche), mais il a vocation à permettre de réagir plus vite, et à traiter des problèmes plus granulaires que ce que l’Etat pourrait amener.
Voilà pour ma réponse pompeuse. Dans laquelle je tiens à inclure un dernier argument de fond : ma Maman bosse pour une association caritative. C’est donc le Bien.
Et toc.
Moi, ce que je vois, c’est que si on adopte ta solution, les mêmes bureaucrates véreux détourneront encore et toujours cet argent pour faire de la merde. Ta solution est utopiste. En plus, comme c’est si bien dit plus haut, nous les assistés qui ne touchons pas d’argent et qui sautillons, mâchoires claquante vers les moignons de l’Etat, ben on va contourner le système, faire de l’optimisation fiscale comme Google et consorts.
Et puis si on rase tout, on sera tous dans la merde et les gens trouveront toujours le moyen de pousser quelqu’un dans sa mouise pour avoir un spot au soleil.
Bref. La Société est dans une impasse. Try again ? Y/N – INSERT COIN !
Je me suis demandé un instant si tu étais sérieux ou si c’était du second degrés. J’ai finalement bien ris.
Devoir faire le choix de donner pour sauver tel vie plutôt que celle là te parait inhumain, donc toi tu fais un choix bien plus humain: ne rien donner et laisser crever les deux. Raisonnement sans faille.
Je pense que si les gens se fâchent, ce n’est pas nécessairement parce qu’ils sont simples mais peut-être aussi parce qu’ils ont compris que même si le système est très imparfait, complétement arbitraire et injuste, il est toujours plus efficace que de ne rien faire du tout.
Je ne suis pas d’accord avec toi. L’avantage de ne rien donner permet à la Vie de reprendre son rôle, à savoir l’évolution et la disparition des faibles pour laisser place à ceux qui sont aptes à faire perdurer l’espèce, à faire en sorte d’avoir un patrimoine génétique viable. Bref d’évoluer sans avoir à assister des personnes improductives qui coûte beaucoup plus qu’elle ne produise, pour le bien de la Nation et du Peuple.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, back to the primitive.
Dans le même ordre d’esprit, je n’ai pas besoin qu’on me tienne la main pour donner l’aumône à quelqu’un qui me le demande directement, sans réflexion particulière ni sous entendu d’influence sur un quelconque karma ou facteur chance.
C’est un sujet très difficile je trouve.
Un jour j’ai pensé qu’on pourrait faire du don une norme, je m’explique :
A partir de l’argent des impôts, créer une caisse d’aide au don, c’est à dire tous les citoyens reçoivent un chèque qu’on pourrait appeler un « chèque don » qu’on ne peut utiliser que pour faire un don à une ou des associations caritatives de notre choix. l’objectif serait de démocratiser le don, les gens en parleraient entre eux : « Et toi? Tu as donné à qui? » « -à X et à X, j’ai vu qu’ils sont efficaces, en plus je leur ai offert des jouets » Ça rendrait la chose plus « normale ».
Bonjour,
Je vous lis depuis longtems, commente rarement, mais je voulais mettre un coup de chapeau sur cet article.
Plus généralement, merci pour tout.
*coeur avec les doigts*
Ça rejoint un peu l’autre article sur le téléthon que tu avais fait, mais en plus large. C’est vrai que ça fout la haine de voir des assos exhiber leurs pauvres et leurs malades, pour que les gens s’achètent une conscience en crachant leurs sous. Des sous qu’ils vont en grande partie claquer dans de coûteuses (et douteuses) opérations de marketing pour ramasser encore plus de sous, plutôt que de les investir dans leur noble cause. De l’argent jeté par les fenêtres mais toujours avec un grand sourire et une bonne conscience. Bande de bâtards…
Pas mal comme article sinon.
Belle réflexion, froide et fine, mais je coince sur la « préconisation » finale…
Les assos touchent déjà, pour beaucoup, des subventions de l’état et des collectivités, sous toutes sortes de formes. Et l’argent de l’état et des collectivités, il vient de nos poches… Donc, en un sens, ton idée est déjà appliquée… Et n’empêche pas toutes sortes d’abus dans la gestion et la distribution de ce pognon. Népotisme, copinage, lobbying, magouilles entre élus etc. Alors un don obligatoire sous forme d’impôt, je passe mon tour. Et puis un don… ça ne peut pas être une obligation sinon ça perd tout son sens. C’est là qu’on perdrait notre humanité.
Chez moi le don est spontané et dirigé vers l’individu : je donne de la main à la main, quand je peux, à ceux qui en ont besoin sous mon nez, autour de moi, dans la rue. Et je suis au clair dans ma tête par rapport à ça, merci.
Pour résumer, tu ne veux pas choisir à qui donner donc tu préfères léguer cette tâche à l’état.
Personnellement je ne leur fais pas confiance, et je n’ai pas envie de voir mon argent partir dans des associations dont je ne partage pas l’idée.
Par contre je suis d’accord avec toi concernant le Téléthon et les campagnes de pub.
Ah non ! Moi j’aime trop décider à qui je donne, choisir qui va vivre et qui va mourir.
Hors de question de laisser ce pouvoir à l’Etat !
La charité. Aie pitié de ton prochain, disait-il. C’est un peu le principe des américains qui se gargarisent de leur gala de charité à tout va, mais quand il s’agit d’instaurer une couverture de santé, il n’y a plus personne.
Je ne donne rien, mais parce que je suis radin. Merci pour l’excuse!
Sans même s’intéresser au côté moral du procédé, je m’interroge sur le barême des professionnels… En quoi serait-il plus juste que celui des particuliers ? Qu’est-ce qui vaut le plus ? Un malade, un « pauvre », un enfant blanc, un enfant noir ?
Comment « définir les besoins » puisque très vraisemblablement aucune association ne recevra jamais assez d’argent pour « traiter » définitivement sa problématique ? A la différence des restos du cœur je pense qu’aucune de ces associations n’est assez naïve pour imaginer n’être plus necessaire un jour.
On risque d’entrer dans une arithmétique tout aussi cruelle que celle que tu dénonces, non ?
Premier passage sur votre blog, complètement par hasard, merci Google.
Premier article lu et ça commence fort. Evidemment le sujet est compliqué et sensible.
Votre prise de position est compréhensible devant un système à l’image de la société : imparfaite, inégale et souvent « dégueulasse ».
Contrairement à certains, j’adhère à la proposition finale beaucoup plus qu’à vos idées plutôt radicales sur le don en général.
La vie associative, d’autant plus dans ce secteur là, est compliquée et dans la majorité des cas portée par des gens méritants. Après on peut parler de « se donner bonne conscience », de « compenser » ou autres.
Mais finalement, pour ma part, je préfère participer à un mauvais système que pas du tout.
Je vomis le « mal nécessaire » (campagnes de pub, Téléthon WTF ! , street team, …) mais si cela permet à nos petites vies à tirer vers un peu plus de solidarité…
Bon maintenant que j’ai inutilement donné mon avis, je m’en vais découvrir le reste.
Bonne continuation
Bonjour,
C’est encore Jean-Marc, j’ai bien aimé votre billet ( de banque lol ).
Bien oui! SDF – Billet de Banque 🙂
Bonne journée.
V’la les tags ! J’ai ri … de façon beaucoup trop cruelle p’taiiiin!!! Je me « Natas-ise » j’en ai peur :O
Natas président !
[…] la plus commenté : Inhumaine charité avec 27 […]
Faire un choix implique une phase de réflexion préliminaire et réfléchir c’est bien.
Si tu laisses le boulot à l’Etat, eh ben… on sera encore un peu plus des gros moutons demeurés.
Ok, beaucoup de gens se font berner par le marketing des associations caritatives et laissent trop parler leur affect, c’est un vrai problème. Mais leur enlever des choix ne résoudra rien!
Il faut juste savoir que l’unique but d’une pub c’est: « Achètes-moi! Tu seras plus heureux! » « Choisis-moi! Sinon tu es un sans-cœur! ».
De plus, si on suit ton raisonnement, pourquoi on n’interdit pas aux gens de voter? Bah ouais ‘sont tous trop cons les gens! Pourquoi ne pas laisser ce choix à une élite bien-pensante qui réfléchit froidement?
Sous prétexte qu’un choix est difficile, il faut pas le laisser aux gens? Pff…
En réfléchissant, moi ça me parait évident qu’il vaut mieux donner à la médecine qu’aux SDF (c’est un avis perso, chacun se fait sa propre idée hein).
Fais gaffe Natas, il y a quand même un paquet de gens qui te suivent! Tu auras une part de responsabilité si on se retrouve dans le meilleur des mondes ^^.
[…] L’humanitaire a le cancer et nous déshumanise en nous prenant pour des cons et en nous manipulant maladroitement. J’en ai déjà parlé sur ce blog pourtant jeune dans le billet « Inhumaine charité« […]
Moi, je donne a WWF, au moins je laisse crever tous les autres sans état d’âme.